J’ai fait mon doctorat tout en dirigeant une entreprise : c’est possible

 

Xerfi Canal a reçu Jean Elia, CEO de Sogelife, Société Générale, Doctor in Business Administration du Business Science Institute, pour parler des qualités nécessaires pour réussir un DBA. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

 

Retranscription

Jean Elia, vous êtes CEO de Sogelife, la compagnie d’assurance vie de la Société Générale au Luxembourg. Vous êtes Doctor in Business Administration du Business Science Institute. C’était pas gagné parce que tout le monde vous a dit il ne faut surtout pas faire de DBA, ça va être une catastrophe .. mais il y a un personnage qui a joué un rôle décisif dans votre décision.

Oui donc je suis CEO d’une compagnie d’assurance, je suis père de famille et je suis fan de foot. Le personnage c’est José Mourinho. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est un grand entraîneur de foot, qui a presque tout gagné. Il a dit une fois qu’il était devenu très bien dans son travail au quotidien et qu’il voulait un nouveau challenge. C’est ce que je voulais en fait, je maîtrisais le travail plutôt bien et donc je voulais un nouveau challenge.

Voir comment m’améliorer, comment me dépasser, et il y avait le DBA. Pourtant tout le monde me disait “ne le fais pas”, “va faire des cours de salsa avec ta femme”, “tu es très occupé, comment tu vas gérer entre ton boulot, ta famille et le DBA”. Donc en dépit de ça, je l’ai fait.

 

Vous vous êtes lancé. Quand vous êtes lancé, qu’est ce que vous avez trouvé ?

Comme je considère que je maîtrisais mon boulot, je voulais vérifier si mes connaissances et mes convictions étaient bonnes. Je voulais les comparer d’un côté avec l’académie, avec ce que dit la littérature sur le sujet, notamment la transformation digitale et le leadership, et le confronter aussi à ce que pensent les dirigeants.

Je voulais connaître le mindset des dirigeants donc j’ai interviewé 21 dirigeants de banque, comparé mes convictions d’un côté, la littérature d’un autre côté et ce troisième côté, le mindset du dirigeant. Ce qui m’a amené à tirer des recommandations managériales, il y en avait cinq principales.

Je peux en citer deux. 1 – La transformation digitale ou la stratégie de transformation digitale, c’est une stratégie top down, ce n’est pas une série d’initiatives ou des applis à droite à gauche appliqués n’importe comment. 2 – La transformation digitale ne se délègue pas. On peut pas déléguer une transformation digitale à ses collaborateurs ou ou pire encore la sous-traiter.

Donc il faut être impliqué, il faut que le dirigeant développe ce qu’on appelle un sens “ownship”, d’appropriation du sujet. Qu’il devienne une sorte de Général d’armée présent sur le terrain avec un plan.

 

Finalement quels enseignements plus généraux vous tirez de ce processus de DBA ?

J’aimerais bien partager ce que mon directeur de thèse, Maurice Thévenet, professeur au Cnam et à l’ESSEC Business School, a défini.

Il a défini 5 facteurs clés de succès pour un DBA réussi. Tout d’abord il faut du sérieux, il faut travailler dur. Le DBA c’est engageant, c’est difficile, c’est pas évident. Il faut également être persévérant, il ne faut pas abandonner quelles que soient les difficultés qu’on rencontre et on va en rencontrer. Troisième facteur c’est le recul. Ca c’est très difficile et pas évident, il faut savoir prendre de la distance par rapport au sujet qu’on traite. Ça ça démange un chercheur parce qu’il a toujours envie de se prononcer et donner son avis, même en phase d’entretien ou de rédaction. Le quatrième facteur c’est savoir se projeter au delà du DBA. Il ne faut pas se contenter de faire de la recherche mais aussi de la recommandation, il faut savoir les projeter et voir comment on peut les appliquer, comment elles peuvent avoir de l’impact sur le management d’une entreprise. Et le cinquième un facteur c’est qu’il faut avoir un “feat”, il faut bien s’entendre avec son directeur de thèse et ça c’est un facteur très important.

Conclusion : “Écoutez-vous” si vous sentez le désir de faire un DBA.

 

Vous m’avez confié que José Mourinho vous en aviez beaucoup entendu parler en cours de leadership à la London Business School et que, ça aussi, ça vous a donné confiance pour vous lancer.

Tout à fait, ça m’a marqué et ça m’a donné confiance.